AccorInvest supprime à son tour 1 880 postes. Les grands groupes se préparent à une reprise qui sera lente.
Face à une crise qui dure, les groupes hôteliers multiplient les plans sociaux. Le plus important d’entre eux, AccorInvest (filiale à 30 % d’Accor et propriétaire de 900 hôtels en Europe), vient d’annoncer un plan de suppressions de 1 880 postes en Europe, dont 770 en France. « Nous n’attendons pas de retour à la normale avant 2024, reconnaît Gilles Clavié, son directeur général. Un tiers de notre clientèle est internationale et 60 % d’affaires. Elle reviendra progressivement. Malgré les mécanismes d’aides des différents gouvernem
ents, nous devons ajuster notre structure. »
En 2020, le chiffre d’affaires a chuté de 70 %. Sous mandat ad hoc, AccorInvest a demandé début octobre un prêt garanti par l’État (PGE) de 470 millions d’euros, qu’elle attend toujours. Une augmentation de capital de même ampleur – souscrite par ses actionnaires – serait aussi une question de semaines.
«AccorInvest va supprimer environ 10 % des emplois, constate Gilles d’Arondel, secrétaire du syndicat FO Accor. Nous sommes conscients de la grande difficulté de l’entreprise, qui a besoin de trésorerie. Mais l’ampleur des licenciements annoncée est un choc pour les salariés. Compte tenu du soutien de l’État, nous attendons de Gilles Clavié et du PDG d’Accor, Sébastien Bazin, des garanties permettant de limiter au maximum les départs contraints en France. »
Avant AccorInvest, Accor a annoncé en août la suppression d’un millier de postes, dont 300 à 400 en France. Louvre Hôtels plancherait aussi sur un projet.
« Au vu du niveau d’activité extrêmement faible, les licenciements sont inévitables, affirme Bruno Despujol, associé chez Oliver Wyman. Les grands acteurs doivent faire des économies pour se préparer à repartir avec des conditions de marché qui seront durablement affectées. » Le choc est monumental pour le secteur. Faute de clients, seuls 30 % des hôtels sont ouverts en France.
« La crise accélère les plans de transformation des groupes hôteliers, qui étaient prévus et nécessaires avant le Covid », analyse Vanguelis Panayotis, président de MKG Consulting. Chez AccorInvest, les postes seront surtout supprimés dans les hôtels. Les opérateurs hôteliers réduisent, eux, les frais de siège. « Depuis un moment, ils cherchent à allouer leurs ressources au plus proche de leurs partenaires (des franchisés surtout), sur le terrain, affirme Vanguelis Panayotis. Les postes supprimés par Accor et l’ensemble des grands groupes mondiaux (InterContinental, Hilton…) touchent moins les équipes opérationnelles des hôtels que celles des fonctions centrales. »
Soutien de l’État
Les géants anglo-saxons ont été les premiers à réduire la voilure, brutalement. En mai, Hilton s’est séparé de 1 300 personnes ; en juin, Hyatt a supprimé près d’un quart de ses effectifs ; en septembre, 17 % des postes du siège américain de Marriott ont disparu.
En France, le soutien massif au secteur permet de gagner du temps. Mais pas toujours. À Paris, l’hôtel Westin a déjà supprimé 167 postes, le Méridien Étoile 254 et Hyatt Regency 192. « Personne n’est épargné, insiste Jean-Virgile Crance, président du groupement national des chaînes (GNC). Il est urgent que le gouvernement prenne des mesures d’accompagnement et de soutien à moyen terme de l’emploi dans l’hôtellerie. » Il demande une prise en charge du chômage partiel à 100 % jusqu’à fin juin. Et après ?
Un dispositif d’activité partielle de longue durée (APLD) doit se mettre en place. Mais il exige un temps de travail minimum pour les salariés, d’au moins 50 % à 60 % du temps de travail contractuel. Or, compte tenu des incertitudes du marché, « ce n’est pas possible dans l’hôtellerie », martèle Jean-Bernard Falco, président de l’Ahtop, une association qui défend les intérêts du secteur. Il redoute le dépôt de bilan d’un millier d’hôtels cette année en France, représentant 10 000 emplois.
MATHILDE VISSEYRIAS
Le Figaro